Le 12 avril 2017
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Abandonner un gamin à la rue, ce n’est pas le « délaisser » au sens de l’article 223-3 du code pénal : telle est la subtile nuance que la cour d’appel de Paris invoque pour absoudre ceux qui ont refusé d’en assumer la charge.
Livré à lui-même dans les rues de Paris depuis une semaine, un jeune Indien, alors âgé de 17 ans, se présentait à la plate-forme d’accueil et d’orientation (PAOMIE) gérée par l’association France Terre d’Asile (FTDA) le 16 mars 2012 pour demander à bénéficier du dispositif de mise à l’abri des mineurs isolés étrangers. À l’issue de l’entretien d’évaluation de sa situation, il se voyait notifier un refus de prise en charge au motif que « [son] âge [était] trop proche de la majorité » alors que « les délais d’orientation sont entre 4 et 6 mois ».
Ainsi renvoyé à la rue, il errait encore pendant plus de deux mois avant d’être enfin placé à l’Aide sociale à l’enfance par le juge des enfants, saisi avec l’aide du Gisti. Le 31 octobre 2012, soutenu à nouveau par le Gisti et l’association La Voix de l’Enfant, il saisissait un juge d’instruction d’une plainte avec constitution de partie civile pour « délaissement d’une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge », délit prévu à l’article 223-3 du code pénal.
Après plus de trois ans de mise en sommeil d’une instruction au cours de laquelle le jeune n’a jamais été entendu, une ordonnance de non-lieu a finalement été rendue le 8 mars 2016. Par un arrêt du 23 mars 2017, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris a confirmé ce non-lieu au motif que « le délit de délaissement suppose un acte positif exprimant la volonté de son auteur d’abandonner définitivement la victime » et que « tel n’est pas le cas du refus de prise en charge ab initio d’un mineur qui n’avait, au moment de ce refus, fait l’objet d’aucune décision de prise en charge de la part des autorités publiques ou d’organismes exerçant une mission de service public. »
Le début du raisonnement est exact : il n’y a « délaissement », au sens du code pénal, que si la victime a été préalablement prise en charge par celui qui l’a finalement abandonnée. Mais le raisonnement, ensuite, dérape : il aurait fallu, selon la Cour, que le mineur ait été d’abord pris en charge par « une autorité publique ou un organisme exerçant une mission de service public », ce que la loi ne dit pas ; et à supposer même que cette condition soit sous-entendue, il est justement précisé dans la convention d’objectifs qui lie FTDA au département de Paris, que la Cour avait sous les yeux, que la PAOMIE constitue « l’unique point d’entrée dans le dispositif de prise en charge des MIE à Paris », chargé notamment « d’orienter vers un dispositif de mise à l’abri les jeunes entre 16 et 18 ans ».
Un organisme chargé d’une mission de service public avait donc accueilli un mineur isolé venu solliciter son aide ; il était ainsi chargé de son orientation vers l’un des dispositifs de mise à l’abri qu’il lui incombait de mobiliser et avait procédé à l’évaluation qui lui avait permis de se convaincre qu’il était manifestement en danger, avant de décider de … le « dé-laisser » à la rue. Que fallait-il de plus à la Cour pour remettre en cause un non lieu à ce point complaisant à l’égard de ceux qui ont failli à leur mission ?
Sous l’apparence de la rigueur juridique pointent les a priori d’une justice qui a déjà montré, à plusieurs reprises, à quel point elle se préoccupait peu du sort des mineurs en danger lorsqu’ils sont étrangers. Elle serait donc malvenue à se plaindre qu’on la critique.
Organisations signataires :
Gisti – Groupe d’information et de soutien des immigré·e·s
La Voix De l’Enfant
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